ALLOCUTION DU DR KUFFER

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Date de publication

Allocution du Docteur KUFFER, lors de la réunion d'information du 16 octobre 1971, (salle des Laboratoires ROUSSEL à LYON,) au lendemain de la création du Collège des Médecins Stomatologistes et Chirurgiens Maxillo-Faciaux de France

Notre mouvement est né dans la douleur:

- Douleur, quand nous avons compris que la Stomatologie avait le triste privilège d'être la spécialité la plus attaquée de la médecine ;

- Douleur, quand nous avons constaté que les Stomatologistes, par manque d'information ou parfois par découragement, ne mettaient guère d'ardeur à soutenir leur discipline ;

- Douleur, quand nous avons vu nos efforts enthousiastes, sincères et désintéressés brutalement rejetés par des dirigeants syndicaux, qui auraient dû être les premiers à s'en féliciter ;

- Douleur enfin, la plus cruelle, quand pour faire entendre notre voix, nous avons eu à lutter contre des confrères de notre propre spécialité.

C'est avec une profonde tristesse, les larmes dans les yeux, et parce qu'aucune autre possibilité ne nous était laissée, que nous avons dû quitter le Syndicat National des Médecins Stomatologistes Qualifiés, pour fonder au mois de juillet notre propre organisme, le Collège des Médecins Stomatologistes et Chirurgiens Maxillo-faciaux de France.

Une bataille est terminée, et la page est maintenant tournée. Nous savons que beaucoup d'entre vous regrettent ce qui s'est passé, comme nous le regrettons nous-mêmes. Nous savons que certains craignent qu'une division ne vienne affaiblir la Stomatologie. Nous sommes persuadés du contraire : notre dualité syndicale, qui n'est sans doute que provisoire, est déjà la source d'une salutaire émulation. Pour notre part, si nous chercherons toujours à être les meilleurs, les plus dynamiques et les plus efficaces, nous affirmons ici solennellement que nous ne ferons pas la guerre des syndicats. Nous sommes bien sûr obligés de nous définir par rapport à l'Organisme que nous avons quitté, et d'indiquer clairement ce qui provisoirement nous sépare ; mais nous éviterons avec le plus grand soin tout ce qui pourrait ressembler à une polémique. Bien au contraire, et parce que notre seul but est la défense de la Stomatologie, nous tendons une main fraternelle à nos adversaires d'hier, et nous nous déclarons prêts à collaborer loyalement avec eux, à chaque fois que ce sera possible, en attendant le jour, peut être proche, où nous pourrons fusionner à nouveau.

Avez-vous entendu comme nous certains de nos collègues, surtout parmi le plus titré, donner du syndicalisme la définition suivante : "Un Syndicat de Stomatologistes, ce sont des gens qui se réunissent périodiquement pour discuter de la valeur du D et du K". Ai-je besoin de vous dire que notre conception est bien différente ? La haute idée que nous nous faisons de la mission de notre organisme est une des principales raisons pour lesquelles nous avons choisi de nous appeler "Collège" et non "Syndicat". Ceci ne signifie nullement que notre Collège ait l'intention de rester dans les nuées, et de se désintéresser des tâches matérielles et terre à terre que tout syndiqué est en droit d'attendre de lui.

Nous allons créer des Commissions qui s'occuperont des questions juridiques, de la fiscalité, de la Sécurité Sociale, de l'information professionnelle, de l'enseignement post - universitaire, etc. Ces Commissions seront mises en place dès que possible, au fur et à mesure du développement de nos possibilités financières et surtout de nos possibilités humaines. Nous avons certes besoin d'adhérents, pour prouver notre représentativité vis-à-vis des Pouvoirs Publics. Nous avons certes besoin de cotisations, sans lesquelles on ne peut faire fonctionner un organisme comme le nôtre. Mais nous avons aussi besoin de la collaboration active de tous nos adhérents, et sur tout de la compétence et du dévouement de quelques confrères, qui accepteront de donner un peu de leur temps pour participer aux travaux de nos Commissions et de notre Conseil d'Administration.

Notre Collège assurera donc des services, indispensables à la défense individuelle de chaque praticien ; mais il doit prendre aussi, dès maintenant, les positions doctrinales nécessaires à sa mission de défense de la Stomatologie, tant à l'échelon européen qu'à l'échelon national. Ces positions doctrinales seront sans cesse approfondies et adaptées grâce aux travaux de nos Commissions et aux décisions de notre Conseil, fondées sur les nécessités extérieures et les renseignements que nous recevrons, en particulier de nos membres. Mais ces adaptations ne pourront jamais remettre en cause quelques grands principes fondamentaux et immuables, dont je dois dès à présent vous indiquer les grandes lignes.

Certains de ces principes apparaissent déjà dans notre titre, que certains pourraient trouver un peu long. Nous affirmons ainsi

- que le Stomatologiste est d'abord et avant tout un médecin ;

- que la Stomatologie est une spécialité médicale indispensable à la médecine, et qui ne peut être exercée dans sa totalité que par des docteurs en médecine ;
- que les maxillaires, les dents et les tissus connexes constituant l'essentiel de la face, le Médecin Stomatologiste a tout naturellement la vocation d'exercer la Chirurgie Maxillo-Faciale.

Il est un autre point fondamental de notre doctrine, qui jusqu'à présent n'a pas été parfaitement compris, parce que nous n'avons pas encore eu la possibilité de l'expliquer. C'est le principe de la liberté d'appartenance syndicale, qui peut sembler à certains d'entre vous assez éloigné des problèmes spécifiques de notre spécialité. Nous sommes au contraire persuadés que la politique syndicale générale, et les importantes décisions qui vont être prises très prochainement, auront un retentissement important sur l'exercice libéral de la Stomatologie, comme elles en ont déjà un sur notre défense professionnelle et sur notre recrutement syndical. Je vais m'expliquer, et vous allez comprendre pourquoi notre Collège doit étudier avec impartialité mais vigilance ces questions.

- Retentissement sur notre défense professionnelle : en effet une des deux Centrales syndicales nationales, la Confédération des Syndicats Médicaux Français, a conclu en 1968 un accord avec la Confédération Nationale des Syndicats Dentaires, dont les dirigeants ne nous veulent guère de bien, et avec l'Organisme homologue des Pharmaciens, pour fonder un nouveau Groupement intitulé Centre National des Professions de Santé. Depuis, la Confédération des Syndicats Médicaux Français ne peut soutenir les thèses des Stomatologistes, en particulier dans les Assemblées Européennes, sans se couper de ses alliés Chirurgiens-dentistes.

- Retentissement sur notre recrutement syndical : vous savez que depuis 1960, qu'on le veuille ou non, le Corps Médical Français est partagé en deux tendances. La première, plus gouvernementale, plus dirigiste, est représentée par la Confédération des Syndicats Médicaux Français, seule Centrale Syndicale existant avant 1960. La seconde, également conventionniste, mais plus libérale et plus réservée sur les projets qui ont actuellement la faveur des Pouvoirs Publics, est représentée par la Fédération des Médecins de France, dont les positions sont très voisines de celles de l'Ordre des Médecins. Or, lorsqu'un Stomatologiste adhère au Syndicat National des Médecins Stomatologistes Qualifiés, parce que les statuts antérieurs à 1960 n'ont jamais été modifiés, et parce que le Président de ce syndicat est une des personnalités les plus éminentes de la Confédération, ce Stomatologiste adhère du même coup et souvent sans le savoir à la Confédération des Syndicats Médicaux Français, par le biais du Groupement des Syndicats Nationaux de Médecins Spécialisés, Organisme confédéral auquel est reversée automatiquement une part de sa cotisation. Avant la fondation de notre Collège, ceci aboutissait à une situation aberrante, car de nombreux Stomatologistes, qui appartenaient à la tendance générale de la Fédération des Médecins de France, étaient placés devant le dilemme suivant :

- ou bien s'abstenir de toute défense de leur spécialité sur le plan syndical ;

- ou bien adhérer à leur syndicat de spécialistes, et cautionner ainsi la politique de leurs adversaires.

Cette situation aberrante n'a cessé qu'avec la fondation de notre Collège. Je n'ai pas à cacher mes tendances personnelles qui sont celles de la Fédération des Médecins de France, et que je suis l'un des 25 000 médecins français qui ont apporté leur soutien écrit au Président LORTAT-JACOB. Mais mon opinion personnelle ne doit pas entraîner automatiquement celle du Collège, car j'ai trop souffert de la situation que je viens de vous exposer pour préconiser une politique analogue en sens inverse.

Au Collège, nous considérons comme un principe fondamental de respecter la liberté d'opinion de chacun. Nous demandons personnellement à chaque adhérent, au moment de son inscription, de choisir s'il désire que nous l'inscrivions au Collège Fédéral des Syndicats Nationaux de Médecins Spécialisés, c'est-à-dire à l'organisation intersyndicale de spécialistes dépendant de la Fédération des Médecins de France, ou au Groupement des Syndicats Nationaux de Médecins Spécialisés, c'est-à-dire à l'organisation intersyndicale de spécialistes dépendant de la Confédération.

 

Nous respectons également la position de ceux qui nous demandent expressément de ne les inscrire ni à l'une ni à l'autre, mais nous attirons leur attention sur le fait que si cette attitude devait se généraliser, notre Collège ne pourrait pas envoyer de délégués dans les organisations intersyndicales nationales de spécialistes, et se trouverait de la sorte isolé, au grand détriment de l'efficacité de son action.

Une autre des questions fondamentales qui se posent à notre Collège est celle de nos rapports avec les chirurgiens-dentistes. La situation à cet égard est complexe et variable. Dans certaines régions comme la Région Lyonnaise les rapports entre Stomatologistes et Chirurgiens-dentistes sont excellents, une collaboration fructueuse s'étant établie entre les deux professions. De telles régions sont à citer en exemple. Mais il serait dangereux de vouloir ignorer qu'il n'en est pas toujours de même ailleurs et surtout à l'échelon national et européen où les rapports sont extrêmement tendus.

La position du Collège des Médecins Stomatologistes et Chirurgiens Maxillo-faciaux de France est la suivante : nous considérons les Chirurgiens-dentistes comme les confrères "à part entière" avec lesquels nous recherchons la paix, l'entente et une amicale collaboration. L'une des meilleures preuves que nous ne leur voulons aucun mal est que plusieurs d'entre nous, parmi les plus actifs en ont épousé. Nous avons besoin d'eux comme ils ont besoin de nous. Mais nous établissons entre eux une certaine distinction. L'immense majorité des Chirurgiens-dentistes est composée de praticiens de bon sens dont nous comprenons parfaitement le désir de perfectionnement, avec qui nous sommes prêts à discuter et que nous sommes tout disposés à aider dans la mesure de nos moyens.

Mais il existe aussi une minorité de dirigeants ambitieux et haineux qui ne cherchent rien moins qu'à s'arroger la compétence du médecin Stomatologiste et qui seraient fort aise de voir rayer la Stomatologie de la liste des spécialités médicales. Les revendications outrancières de cette minorité se sont traduites à l'échelon de la Communauté Economique Européenne par les "propositions de directives dentistes" dont vous ont parlé nos amis belges et à l'échelon national par l'Arrêté du 21 avril 1969 dit "Arrêté Schumann" dont vous avez pu constater la concordance avec les premières.

Notre position à l'égard de ces revendications est extrêmement nette et claire : nous considérons que le Stomatologiste est un médecin spécialiste qui a la compétence nécessaire pour exercer toute la Stomatologie (et à certaines conditions également la chirurgie maxillo-faciale) la Stomatologie étant brièvement définie comme une spécialité médicale à champ d'activité large comprenant notamment un vaste domaine médical et chirurgical ainsi que toute l'odontologie. Nous considérons que le chirurgien-dentiste est un praticien non docteur en médecine, qui a la compétence nécessaire pour exercer l'odontologie c'est-à-dire la pratique du diagnostic et du traitement des affections des dents et de leurs tissus de soutien lorsque celles-ci sont d'origine dentaire ; nous ne pouvons admettre que ce praticien non médecin puisse assumer des responsabilités médicales et chirurgicales même s'il fait état d'études complémentaires sur-spécialisées dont nous contestons l'équivalence avec les études médicales.

Mes chers confrères, je prêche ici des convaincus et des réunions comme celle-ci n'auraient guère d'utilité si le résultat de nos discussions ne devait pas sortir de notre petit cercle de spécialistes déjà informés et directement intéressés. Je vous annonce que tout ce qui s'est dit ici va faire l'objet d'une diffusion par les soins de notre Collège à l'ensemble des médecins Stomatologistes français et aux Syndicats et Collèges de Stomatologistes des pays du Marché Commun.

Cette diffusion marquera le début de l'effort d'information et de propagande en faveur de la Stomatologie que nous allons entreprendre, et qui sera dirigé :

- vers le public, qui dans son ensemble ignore ce qu'est un Stomatologiste ;

- vers nos confrères médecins de médecine générale et médecins spécialistes, qui trop souvent encore nous connaissent mal ;

- vers les étudiants en médecine, qu'il faut informer des possibilités que leur offre notre spécialité ; à notre connaissance, nous sommes la première organisation syndicale de spécialistes qui ait eu l'idée d'associer à ses travaux des étudiants du certificat de spécialité ;

- et vers les Stomatologistes eux-mêmes, chez lesquels nous voulons susciter un mouvement d'intérêt, voire d'enthousiasme en faveur de leur propre spécialité.

Trop d'entre nous ne s'intéressent encore qu'à leurs préoccupations personnelles ou locales, et ignorent délibérément les difficultés rencontrées par leurs collègues, installés dans d'autres régions, ou dont le mode d'exercice est différent.
Nous ne songeons pas à nier que les problèmes peuvent se poser différemment dans le Nord et dans le Midi, à Lyon et à Paris, dans les grands centres et dans les villes de moindre importance. Mais prenons garde d'oublier que par-delà les différences locales, nous sommes tous Stomatologistes, et embarqués sur le même bateau.

Nous devons apprendre à mieux nous connaître, à nous rapprocher les uns des autres, à faire circuler parmi nous une information continue, car l'expérience des uns doit servir au bénéfice de tous.

Si nous réussissons cet effort de liaison et d'information, si nous avons le courage de résister à nos petites rivalités de clocher pour organiser la profession dans un esprit d'amitié et de solidarité, si nous sommes capables d'écarter ce qui nous divise pour mettre l'accent sur ce qui nous unit, alors, mes chers Confrères, la Stomatologie sera sauvée.

Docteur KUFFER

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